Le hochet, premier objet design de bébé

C’est le premier objet design confié à un bébé. Contrairement à une idée répandue, le hochet ne serait pas, au commencement, un jouet. « C’est un instrument de musique. Un des plus anciens probablement (…). Les nourrices antiques accompagnaient leur voix et leurs berceuses de son rythme régulier, lent, pour calmer les bébés, les mener vers le sommeil », écrit Stéphane Jacob, psychologue spécialisé dans le domaine de l’enfance, commissaire en 2021 de l’exposition « Viens jouer dehors ! » au Musée de la ville de Saint-Quentin-en-Yvelines, en prologue de l’ouvrage Hochet, un répertoire de formes (sous la direction de Carole Daprey, éditions Piqpoq, 2023).
Au Moyen Age, ces petits instruments qui font du bruit quand on les agite, cachant parfois leur secret (une graine, des cailloux ou une dent de loup à l’intérieur), sont investis de pouvoirs magiques : ils protègent les nourrissons des maladies et de l’esprit malin, façon amulette. Ils se déclinent en terre cuite, en osier ou en bois pour les enfants de paysans, et en argent, ivoire, corail et même cristal, confiés aux mains d’orfèvres, pour ceux des rois.
« Point de grelots, point de hochets ; de petites branches d’arbre avec leurs fruits et leurs feuilles, une tête de pavot dans laquelle on entend sonner les graines, un bâton de réglisse qu’il peut sucer et mâcher, l’amuseront autant que ces magnifiques colifichets, et n’auront pas l’inconvénient de l’accoutumer au luxe dès sa naissance », s’insurge Jean-Jacques Rousseau dans Emile ou de l’éducation, en 1762. Recommandation vaine. Au XIXe siècle, le hochet du prince impérial Napoléon (fils unique de Napoléon III) est en or ciselé d’un aigle aux ailes déployées.
Au XXe siècle, le hochet devient le premier jouet du tout-petit et un terrain d’expérimentation pour designers, au même titre que le mobilier pour la chambre d’enfant. « Il stimule, d’abord, les sens du nourrisson, favorisant son développement. Il va par la suite, sous l’influence de pédagogies nouvelles selon lesquelles l’enfant apprend en faisant, éveiller l’intelligence et gagner en liberté formelle grâce à des matériaux comme le plastique », souligne Carole Daprey, fondatrice des éditions Piqpoq et elle-même collectionneuse de hochets, dont la plupart sont présentés dans l’ouvrage.
Ses plus anciennes pièces remontent à 1936 : des jouets de dextérité en bois naturel signés du pédagogue allemand Hugo Kükelhaus (1900-1984), qui les a conçus sa vie durant sous le nom d’Allbedeut, soit « tous les sens », comme « la promesse d’une expérience du monde et de sa diversité à travers les formes, les couleurs, la texture et le mouvement de l’objet », explique-t-elle.
Il vous reste 23.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.